Conversation surprise au château de Fontaine-Henry

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Je suis la table de salle à manger du château de Fontaine-Henry. Vous n’imaginez pas ce qu’on peut voir, entendre et surprendre quand on est une table de salle à manger… surtout dans un château, surtout quand ce château est celui de Fontaine-Henry.

Tenez, ce jour-là, le préfet était venu déjeuner pour travailler avec Monsieur le Comte qui était à l’époque maire de Fontaine-Henry et conseiller général du Calvados.

Actuelle salle à manger du château

Nous n’avions pas mis les petits plats dans les grands, mais nous étions quand même un peu au garde-à-vous… le préfet, ce n’est pas un « client » comme les autres.

Ils étaient donc tous les deux seuls à table, l’un en face de l’autre. Debout, digne et l’œil aux aguets, bien droit dans sa jaquette à queue de pie, pantalon noir, et chaussures noires luisantes grinçant à chaque pas, il y avait Alcide, le fidèle maître d’hôtel qui fait presque partie de la famille.

Voilà donc que Monsieur le Comte se met en tête de lire à « Monsieur le Préfet » ce que par chez nous on appelle un « papier comme par lequel ».  Vous savez, un document auquel on ne comprend que couic avec des écritures alambiquées, des pleins, des déliés, et un grand coup de tampon noir qui bave.

Le papier est là, à droite du patron, une main farfouille la pochette, une autre la poche intérieure…  le noble visage naturellement sévère se ferme encore un peu plus. Puis se tournant vers Alcide qui se tient dans son dos près de la porte du palier :

Le comte Pierre d’Oilliamson, grand-père de l’actuel propriétaire

« Dites-moi Alcide, ce matin dans ma chambre, vous n’auriez pas vu mes lorgnons ? Peut-être sur ma table de nuit… »

Réponse du vieux serviteur prévenant et respectueux :

« Ah non, M’sieur l’Comte, mais en faisant la chambre j’ai vu dans l’pot que les urines de M’sieur l’Comte étaient bien chargées. »

Imaginez un peu la fureur du châtelain, maire et conseiller général, et le fou-rire mal contenu du représentant de la République laïque et égalitaire !

Eh bien, qui, croyez-vous, a fait les frais de la situation ? Moi, bien sûr… quand Monsieur le Comte a frappé un grand coup de poing sur mon beau plateau ciré pour reprendre le zélé serviteur : « Alcide, ce n’est pas ce que je vous demande ! »

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