Quand le passé s’invite au présent… au château de Bogard
On espère toujours trouver le trésor d’un château… A Bogard, nul besoin de sonder les caves, il n’y a pas de cave !
Rien dans les douves non plus, il n’y a pas de douves …
Où alors ?
Prenons de la hauteur et grimpons dans le grenier du château de Bogard !
De longue date, un tas de planches occupait l’espace du grenier situé sous la pente du toit de ce château qui fut complètement remanié entre 1783 et 1788.
Depuis cette époque, les années avaient habillé le tas de planches de poussière et d’oubli, personne ne troublant son existence… même les souris ne s’en préoccupaient pas …Heureusement !
Il y a quelques années, par un après-midi pluvieux, le fils des propriétaires répondant à la demande de son père, grimpa dans le grenier afin d’évacuer ces vieilles planches dont la présence était susceptible d’attirer vrillettes et autres parasites de bois anciens. Le jeune homme attaqua son travail avec conviction mais s’arrêta brusquement en découvrant derrière les planches, des piles de vieux parchemins dont seuls ceux du dessus semblaient avoir un peu souffert de l’humidité. La surprise passée, il fallait comprendre ce dont il s’agissait et l’évacuation des vieilles planches fut momentanément abandonnée, la priorité étant donnée à cet ensemble de documents. Une fois les différentes piles descendues et placées sur la table de la salle à manger, l’enquête débuta . En fait, il s’agissait d’archives formées majoritairement de droits féodaux et d’aveux dont les plus anciens remontent à la fin du 15ème siècle, les plus récents datant de la période pré-révolutionnaire à propos du château de Bogard !
Or ce type de documents avait le plus souvent disparu des châteaux ayant été éliminés lors de la Révolution, aussi , cette découverte était des plus surprenante.
La majorité de ces archives se révéla assez facilement lisible.
En effet, beaucoup des titres les plus anciens avaient donné lieu à une note d’accompagnement écrite au cours de la seconde moitié du 18ème lors d’un procès pour « retrait lignager » (droit de préemption familial appliqué sous l’Ancien Régime par le droit féodal) intervenu au sujet de la propriété de la forêt d’un château voisin .
D’autres documents concernaient différents procès, notamment celui, terrible, d’une jeune paysanne qui au 16ème siècle, condamnée à mort par pendaison à la suite à d’un avortement et dont la dépouille devait être brûlée et ses cendres dispersées.
D’autres titres sont relatifs à la généalogie et à la formation juridique ayant permis au propriétaire du château d’acquérir une fonction de Conseiller au Parlement de Bretagne, avant la Révolution.
Toute une histoire familiale se déroulant à travers plusieurs siècles remonta donc subitement au grand jour, reprenant sa place, réoccupant la demeure et imposant le passé des personnages des siècles précédents à ceux du 20ème siècle.
En effet, ce conseiller au Parlement de Bretagne après avoir caché ses archives seigneuriales et familiales dans le grenier de son château, quitta son village pour émigrer à Jersey puis à Londres.
Sans doute pensait-il protéger ses différents droits pour un retour qu’il imaginait proche alors que la mort le surprit rapidement après son départ.
C’est ainsi que son secret fut bien gardé pour ne réapparaître que deux siècles plus tard.
Si cette remontée du passé ne représente pas en soi une valeur vénale, elle fut vécue par certains comme banale pour une si vieille demeure, pour d’autres, ce fut la transmission d’un véritable trésor intemporel, accentuant l’attachement porté au château par ses actuels propriétaires.